L’étude de la jurisprudence récente nous révèle plusieurs contradictions flagrantes dans l’évaluation du préjudice corporel de la victime d’accident.
Rente accident de travail et déficit fonctionnel permanent, le débat resurgit.
La première discordance met en présence la position des deux plus hautes juridictions de notre système que sont la Cour de Cassation d’un côté, et le conseil d’État de l’autre, à propos de l’imputation de la rente (ou prestation équivalente telle l’allocation temporaire d’invalidité par les agents publics) sur le poste du préjudice corporel dénommé déficit fonctionnel permanent. Rappelons sur ce point que malgré une opposition farouche des victimes, la Cour de Cassation avait en 2009, clairement penché en faveur du rééquilibrage des comptes des caisses de sécurité sociale en posant pour principe que même en l’absence de préjudices professionnels (pertes de gains et/ou incidence professionnelle), même si le déficit fonctionnel permanent est présumée par la nomenclature Dinthilac comme étant un préjudice à caractère personnel non patrimonial, et même si surtout, le versement effectif préalable de la rente n’est pas prouvé (cas des arrérages à échoir de la rente), l’organisme social dispose d’un droit à remboursement imputable sur le déficit fonctionnel permanent. Eminemment contestables sur le terrain du droit tant du dommage corporel que de la preuve, les choses étaient pourtant établies au détriment des intérêts des victimes. Il s’agissait d’un calme précaire. En effet, par un avis rendu le 8 mars 2013 (CE, avis du 8 mars 2013, n°361273), le Conseil d’État est venu totalement contrarier cette analyse en indiquant que « le recours exercé par la caisse au titre d’une rente accident du travail ne saurait s’exercer que sur ces deux postes de préjudice (pertes de gains professionnels et incidence professionnelle) ; en particulier, une telle rente ne saurait être imputée sur un poste de préjudice personnel […] ». La résurgence de ce désaccord, latent depuis un précédent avis du Conseil d’État (5 mars 2008, n°272447), si elle est certes porteuse d’espoir pour les victimes d’accidents, comporte néanmoins un risque flagrant d’insécurité juridique et par là même, d’inégalité entre ceux qui auront la chance de pouvoir s’adresser à la juridiction administrative, et les autres qui devront se soumettre à l’intransigeance de la Cour de Cassation.
Prestation de Compensation du Handicap (PCH) : indemnitaire ou pas ?
La seconde illustration de cette confusion dans l’appréciation des droits à indemnisation de la victime d’accident concerne le sort réservé à la PCH versée à la victime par le Conseil Général via les Maison Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) : doit-elle être déduite des indemnités perçues par la victime à titre de dédommagement, en particulier celles compensant le besoin de celle-ci en assistance temporaire ou permanente par une tierce personne ? Sur cette question, à deux mois d’intervalle, la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation n’a pas hésité à adopter deux analyses diamétralement opposées. Ainsi, dans son arrêt du 28 février 2013 (Cass.2°Civ. 28 février 2013, pourvoi n°12-23706), celle-ci considère que la victime est fondée à cumuler les indemnités réparatrices perçues du responsable et/ou de son assureur avec la PCH qui « est dépourvue de caractère indemnitaire ». La clarté de cette position a été unanimement saluée par les représentants des intérêts des victimes handicapées. Or, dans l’arrêt rendu le 16 mai 2013 (Cass.2°Civ. 16 mai 2013, pourvoi n°12-18093), cette même PCH devient une prestation indemnitaire déductible de l’indemnisation due à la victime au titre notamment d’une rente tierce personne !
A suivre…